Angélique Charlotte de Mackau
Marie-Elisabeth, la sœur de
Louis XVI, avait eu pour compagne et pour amie intime une demoiselle Angélique
de Mackau, fille de
Marie Henri Louis Eleonor Dirkheim,
baron de Mackau, bourgmestre de Strasbourg et ministre plénipotentiaire de la
Diète à Ratisbonne et de Marie-Angélique de Fitte de Soucy.
Celle-ci, jeune veuve, sera nommée sous-gouvernante de Madame Elisabeth et
saura, par ses connaissances d’éducatrice née, épanouir Elisabeth en la traitant
avec le même amour que sa propre fille, Angélique Charlotte, qui, de simple
compagne deviendra, sa vie durant, la meilleure amie de la princesse.
Mademoiselle de Mackau
devint en 1778, la marquise de Bombelles, et fut
nommée la même année dame pour accompagner Madame Elisabeth qui la surnommait « Bombes ».
Elle avait une sœur, Renée
Suzanne, mariée en 1774 à son cousin germain, le marquis François Louis de
Fitte de Soucy, qui sera nommée sous-gouvernante des
enfants de France en 1781, et un frère, Armand de Mackau, qui est partisan modéré des
idées révolutionnaires.
C’était une femme d’élite,
également distinguée par l’esprit el le cœur. Lorsqu’elle mourut en éxil à Brünn, au mois de septembre 1800, la perte d’une
épouse si tendre et si vertueuse causa un tel chagrin au marquis de Bombelles qu’il entra dans un couvent en Moravie, et qu’il
y épousa l’état ecclésiastique.
C’est elle, alors que son
mari était ambassadeur de France à Lisbonne, qui eut l’idée de marier la princesse
Charlotte avec l’un des plus grands seigneurs du Portugal, le duc de Cadoval. Mais la Providence réserva une autre destinée à la
séduisante jeune fille.
Dans ses « Mémoires,
souvenirs, œuvres et portraits », Alissan de Chazet raconte (tome second page 15) :
Un fait suffit à son éloge :
elle fut l’amie de Madame Elisabeth, dont elle avait, dès sa plus tendre
enfance, partagé les travaux et les jeux. S’étant rendue avec cette princesse à
Choisy, en 1779, pour son inoculation, elle se trouvait la plus jeune des
personnes de son service, et plusieurs autres dames, qui souffraient de la voir
sans cesse l’objet d’une préférence marquée, hasardèrent contre elle, en
présence de Madame Elisabeth, quelques plaisanteries qui semblèrent réussir ;
on espéra que la princesse finirait par s’amuser d’avantage de ce ton railleur
et caustique, que de la douleur angélique et de la bonté parfaite de Madame de Bombelles. Celle-ci, désolée de se voir sacrifiée, mais
trop respectueuse pour se plaindre, ne put que s’affliger en silence. Le
lendemain, Madame Elisabeth, se levant plus tôt que de coutume, fit dire à l’amie
de son enfance de la suivre dans le jardin ; là cette princesse, ne
pouvant plus maitriser son émotion, lui dit en pleurant : Mon ange, je t’ai abandonnée un moment hier ; on en a cruellement
abusé ; je ne me le pardonnerais de ma vie si tu ne me le pardonnais pas
toi-même. J’ai vu qu’on voulait nous brouiller ; on n’y parviendra jamais,
et aujourd’hui jusqu’à la fin de mes jours, je serai si tendrement ton amie qu’on
ne pourra plus se flatter de troubler cette union. En octobre 1780, Madame
de Bombelles, qui se trouvait à Ratisbonne avec son
mari, ministre du roi près la diète de l’empire, reçut de Madame Elisabeth la
lettre suivante : Il y a aujourd’hui
un an que nous eûmes une conversation dans le jardin de Choisy ; je veux
te renouveler, mon ange, toutes les promesses que je te fis alors. Oui, je t’assure
que rien ne pourra diminuer l’amitié que j’ai pour toi, ni les cabales, ni les
méchancetés, enfin tout ce que l’on pourra me dire.
Trois mois plus tard (1er
janvier 1781), la princesse, en lui envoyant son portrait, lui écrivait : Je te souhaite la bonne année ;
reçois, ma petite mère, avec amitié cette figure. Comme le portrait que tu as
de moi est fort peu ressemblant, j’ai imaginé que tu ne serais pas très en
colère en voyant celui-ci. Qu’il est malheureux ce portrait ! Il ne sent
pas son bonheur, il ne sait pas qu’il va voir la personne la plus adorable qui
soit sous le ciel ! que je voudrais être à sa
place ! Plus le temps où je dois te voir avance, plus je crois qu’il n’arrivera
jamais ; je meurs d’impatience ; je voudrais recevoir ta dernière
lettre où tu me manderas que tu pars, alors je deviendrais folle, je sauterais,
je pleurerais de joie …
Voici la femme que la
Providence dans sa libéralité avait indiquée au choix de Monsieur de Bombelles, voilà l’être accompli auquel l’ange des anges
voulait bien donner son nom.
Après la mort de Madame Elisabeth, une lettre de cette princesse fut
remise à Madame de Bombelles : Paris, le 13
octobre 1790 – Comme je viens, ma petite
Bombe, de relire mon testament, de voir que je t’y recommande aux bontés du
Roi, et que je te laisse mes cheveux, il faut bien que je te dise moi-même que
je me recommande à tes prières, et puis que je te répète encore une petite fois
que je t’aime bien (…) Mais ne vas pas me regretter de manière à te rendre
malheureuse. Adieu ; sais-tu que les idées que tout cela laisse ne sont
pas gaies ; il faudrait pourtant s’en occuper, surtout dans ce moment. Je
t’embrasse de tout mon cœur. Adieu. Quelques jours après la morts de Madame
Elisabeth , Madame de Bombelles,
retirée à Ratisbonne avec toute sa famille, invita lélite
de la société à venir entendre Monsieur Ferrand, auteur de l’Esprit de l’histoire, prononcer l’éloge de cette princesse.Cette lecture fut souvent interrompue par les
larmes de l’auditoire.
Notice biographique sur les Mackau :
Originaire d’Irlande, venue en France avec Jacques II, la famille Mackau se
fixa en Alsace, après le mariage de François-Guillaume de Mackau avec Catherine-Barbe
d’Ichtratzheim en 1676. De père en fils, les Mackau
affermirent leur position en Alsace. François-Guillaume (mort en 1731),
François-Joseph (mort en 1751) et Louis-Eléonore (1727-1767) ouvrirent des
forges à Barr, furent membres de diverses assemblées à Strasbourg et devinrent
barons d’Empire par la grâce de Léopold Ier. Certains Mackau choisirent une
carrière ecclésiastique, comme Marie-Henri de Mackau, chanoine de la cathédrale
de Metz, d’autres entrèrent dans la diplomatie, comme le baron Louis-Eléonore,
représentant de la France à la diète générale de l’Empire. Son fils,
Armand-Louis, et son gendre, le marquis de Bombelles,
furent eux aussi ambassadeurs au début de la Révolution française, le premier à
Stuttgart en 1792-1793, le second près la diète générale de l’Empire, à
Lisbonne et à Venise.
Fils d’Armand-Louis et d’Angélique-Madeleine-Félicité Alissan
de Chazet, Armand de Mackau (1788-1855) fut
successivement capitaine de frégate (1812), capitaine de vaisseau (1819) puis
contre-amiral à la suite d’une mission à Saint-Domingue (1825). Il commanda
l’escadre des Antilles en 1833 et devint gouverneur de la Martinique.
Vice-amiral en 1837, il mit un terme au différend qui subistait
entre la France et l’Argentine, en 1840. Commandant en chef de l’escadre de la
Méditerranée en 1843, il devint, l’année suivante, ministre de la Marine, et il
fut promu, en 1847, amiral de France après avoir quitté le pouvoir. En 1852, il
entra au Sénat.
Fils de l’amiral de Mackau et de sa deuxième femme, Albine Muguet de Varange (1806- 1875), Anne-Frédéric-Armand (1832-1918) fut
député au Corps législatif (1866-1870) puis député d’Argentan (Orne) en 1876,
et constamment réélu. Il devint en 1885 président de l’Union conservatrice et
proclama en 1892 l’utilité de la politique dite des « ralliés ». Anne-
Frédéric-Armand avait épousé, en 1858, Mathilde Maison (1837-1886),
petite-fille du maréchal Maison.
La soeur de l’amiral, Anne-Angélique dite
Annette de Mackau (1790-1870), avait épousé en 1812 Pierre Watier,
comte de Saint-Alphonse, général de cavalerie (1770-1846), mort sans postérité.
Fils d’un cultivateur, Nicolas Joseph Maison
(1771-1840) s’engagea en 1792, servit à l’armée du Nord et conquit tous ses
grades sur les champs de bataille. Nommé général après Austerlitz, il combattit
à Iéna, en Espagne, en Hollande et passa divisionnaire en 1812. En 1814, à la
tête de l’armée du Nord, il défendit la Belgique contre les alliés. Il adhéra
au gouvernement de Louis XVIII et suivit le roi à Gand pendant les Cent-Jours. Il
reçut, en 1814, le gouvernement de Paris et la pairie et, en 1817, le titre de
marquis. En 1828, l’expédition de Morée qu’il commandait en chef lui valut le
bâton de maréchal. La monarchie de Juillet le nomma ministre des Affaires
étrangères (novembre 1830), ambassadeur à Vienne (1831), à Saint-Pétersbourg
(1833), enfin ministre de la Guerre (1835-1836). De son mariage avec
Marie-Madeleine-Françoise Weygold (1776-1851), le
maréchal Maison avait eu quatre enfants : André, marquis Maison (1797-1869),
Joseph, comte Maison (1799-1874), Eugène, vicomte Maison (1805-1885) et
Joséphine (1807-1828). Joseph, comte Maison, était le père de Mathilde, épouse
du baron de Mackau.