Louis de Prie

Marquis de Plasnes, dit marquis de Prie

 



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Le marquis de Prie et ses armoiries

 

Ambassadeur près de la cour de Savoie à Turin, cousin issu de germains de Madame de Ventadour (fille de Louis de Prie, marquis de Toucy, et de Françoise de Saint-Gelais, dame de Lanssac)

Entrée du Journal du marquis de Dangeau pour le Mercredi 19 avril 1702 à Versailles : Le Roi a nommé six aides de camp de monseigneur le duc de Bourgogne, qui sont Mimeur, Dénonville, La Motte, le marquis de Sanzay, le marquis de Curton-Chabannes et le marquis de Prie, parent de madame la maréchale de la Mothe.

Le 6 mars 1711, les deux petits princes tombèrent malades de la rougeole. Louis XIV en fut instruit aussitôt et ordonna qu’ils fussent baptisés sur le champ. Madame de Ventadour eut le permission de prendre pour parrains et marraines les premières personnes qui lui tomberaient sous la main. Madame de Ventadour tint le petit dauphin sur les fonds de baptême avec le comte de la Motte. Le duc d’Anjou eut pour parrain monsieur le marquis de Prie, et pour marraine madame de la Ferté. Le 8 mars, l’aîné des deux enfants mourut, alors le duc d’Anjou succéda à son frère, et prit à son tour le titre de dauphin (La régence et Louis XV d’Alexandre Dumas).

 

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Louise de Prie, tante du marquis, et son époux Philippe de la Mothe-Houdancourt, maréchal de France

parents de la duchesse de Ventadour, gouvernante des Enfants de France

 

Le 27 décembre 1713, il avait épousé en premières noces Jeanne Agnès Berthelot de Pléneuf [1], fille d’un riche financier, qui fut la maîtresse du duc de Bourbon et donc, pendant quelques années, la femme la plus puissante de la cour de Louis XV. Saint Simon rapporte ainsi cet évènement : Les mauvaises relations entre la mère et la fille, poussèrent Pléneuf , pour avoir la paix, à précipiter l’établissement de sa fille. Entre plusieurs partis qui se présentèrent, le marquis de Prie fut préféré. Il n’avait presque rien, il avait de l’esprit et du savoir. Il était dans le service, mais la paix l’arrêtait tout court. L’ambition de cheminer le tourna vers les ambassades, mais point de bien pour les soutenir. Il le trouvait chez Pleneuf et Pleneuf fut ébloui du parrain du Roi, d’une naissance distinguée et d’un parent si proche de la duchesse de Ventadour. L’affaire fut bientôt conclue ; elle fut présentée au feu Roi par la duchesse de Ventadour ; sa beauté fit du bruit ; son esprit, qu’elle sur ménager, et son air de modestie, la relevèrent. Presque incontinent après, de Prie fut nommé à l’ambassade de Turin, et tous deux ne tardèrent pas à s’y rendre. On y fut content du mari, la femme y réussit fort, mais leur séjour n’y fut pas fort long. La mort du Roi et l’effroi des financiers pressèrent leur retour ; l’ambassade ne roulait que sur la bourse du beau-père (…) Madame de Prie devint la maîtresse publique de M. le duc, et son mari, ébloui par les succès prodigieux que M. de Soubise avait eus, prit le parti de l’imiter.

Le marquis de Prie était d’excellente famille, était parrain du roi, et tenait à Madame de Ventadour ; il est vrai qu’il n’avait pas de fortune, et que la paix avait arrêté sa carrière militaire comme officier ; mais de la fortune, Pléneuf en avait et, au lieu de continuer sa carrière dans l’armée, le marquis de Prie pouvait se jeter dans les ambassades. L’affaire fut conclue, le mariage eut lieu, madame de Prie fut présentée au Roi, elle déploya toutes les séductions de son esprit, Monsieur de Prie fut nommé à l’ambassade de Turin (La régence et Louis XV d’Alexandre Dumas)

Dans ses Mémoires, Saint Simon écrit pour l’année 1713 : Le roi nomma le marquis de Prie ambassadeur à Turin, et lui donna quatre mille livres d'augmentation de pension, mille écus par mois, et dix mille pour son équipage. Il épousa avant son départ la fille de Plénœuf qui s'était enrichi aux dépens des vivres et des hôpitaux des armées, et qui était devenu depuis, pour se mettre à couvert, commis de Voysin. Mme de Prie était extraordinairement jolie et bien faite, avec beaucoup d'esprit et une lecture surprenante. Elle fut à Turin avec son mari; à son retour, elle devint maîtresse publique de M. le Duc, et la Médée de la France pendant le ministère de ce prince.

 

Marquise de Prie, par Van Loo, 1684

 

 

Madame de Prie – Jeanne Agnès Berthelot de Plémont, marquise de Prie (1698-1727) a tenu un "salon princier" fort joyeux au château de Bélébat, près de Fontainebleau, vers 1719. Le peu de sérieux de ce salon à mauvaise réputation l’aurait fait sombrer dans l’oubli si ce n’est que Voltaire lui a voué une pièce : Fête à Bélébat.

Plusieurs ont célébré la beauté de l’hôtesse de ces réjouissances aux traits fins d’une jeune nymphe, joueuse de clavecin et d’une rare intelligence. Classée aventurière par plusieurs sources, maîtresse de Louis-Henry, duc de Bourbon nommé premier ministre par Louis XV, ses manœuvres ont obtenu le surprenant mariage du jeune roi et de Marie de Leszczynska. Son comportement finit par lui faire goûter à l’exil royal. La marquise de Prie incarnait ce mélange d’arrivisme effréné et de distinction mondaine qui caractérisait la Régence.

Les joyeux fêtards de Bélébat de 1725, étaient outre Voltaire, Charles de Secondat, baron de Montesquieu; Louis Sanguin, marquis de Livry; M. de Billy, M. et Mme de Montchesne, M. de Baye, frère de Mme de Prie, Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu; Pierre Carlet de Chamblain Marivaux, Horace Walpole, le curé de Courdimanche, paroisse du château; le président Hénault, François d'Aubuisson, duc de la Feuillade; M. de Bonneval, Marie Anne, Mlle de Clermont; Berthelot de Duchy, intendant des Invalides; l'ambassadeur François Sanguin, abbé de Livry; M. Delaistre et Denis Dodart.

Madame de Prie ne laissait personne indifférent. Le président Hénault trouvait qu’elle a de quoi faire la plus belle maîtresse du monde. Ravissante en tout cas sur le tableau de Louis Michel Van Loo. Celle qu'on appelait « la maîtresse absolue du royame», celle qui avait déjà fait embastiller un ministre, fut finalement disgraciée et renvoyée sur ses terres par le Roi d'où son suicide.

 

 

 

 

En 1919, le marquis de Prie, chevalier des Ordres du Roi, fut créé brigadier de Dragons.

Pierre Clément, dans ses Portraits historiques, raconte dans celui concernant Jean Law : Cette même année, le duc de Bourbon sema autour de lui avec une profusion scandaleuse un grand nombre de pensions et accorda quelques gratifications à ses favoris particuliers, dont un de 90 000 livres au marquis de Prie!

Dans son journal, le marquis de Dangeau écrit à la date du 19 mars 1719 : le marquis de Prie [2], qui était notre ambassadeur à Turin, eut permission il y a quelques temps d’en revenir pour ses affaires particulières. Il vient d’obtenir à cette heure la permission de n’y point retourner. Il demeurera auprès du Roi, et on lui donne 2000 écus de pension d’augmentation. Il avait déjà une pension de 2000 écus, qui avait été réduite à 4000 livres. On lui donne 30000 écus pour payer les dettes qu’il a contractées durant son ambassade. Il aura un logement au Louvre et l’aurait eu aux Tuileries s’il y en avait et de vacants. On ne donne aucun titre à cet emploi [3].

Monsieur de Prie est parrain du Roi. Le Roi est aussi parrain du fils du marquis de Prie, et l’a tenu sur les fonts le 13 de ce mois [juin 1720] avec la duchesse de Ventadour.

Le 7 juin 1724, il est reçu chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit et le 5 juin 1725 son épouse est nommée dame du palais de la Reine.

Septembre 1725 : On dit que M. le duc avait présenté au Roi un brevet pour faire M. Le marquis de Prie [4] duc et pair ; que le Roi le lisant en présence du duc de Gesvres, premier gentilhomme, et qui est toujours en cour comme ami du Roi, lui avait demandé conseil sur ce qu’il en ferait, que le duc de Gesvres lui avait répondu en riant que c’était bon à jeter au feu, ce que le Roi avait fait sur le champ (Chronique de la régence et du règne de Louis XV, ou Journal de Barbier). Ceci est raconté autrement dans l’Histoire de France de Henri Martin : Madame Prie voulait récompenser par un titre la complaisance de son mari et assurer une haute position à ses enfants, dont M. le duc se croyait le père. Bourbon, n’osant faire le marquis de Prie duc et pair en France, s’avisa de demander pour lui la grandesse d’Espagne. Philippe et sa femme rejetèrent la demande avec mépris.

Pour l’année 1726, on trouve cette anecdote dans le dictionnaire contenant les anecdotes historiques de l’amour de Mouchet : Il [Pléneuf] avait une femme et une fille aussi galantes l’une que l’autre [5]. La fille fut mariée au marquis de Prie, et devint maîtresse du duc de Bourbon. M. de Prie étant un jour dans la chambre du Roi, appuyé sur une table, la bougie alluma sa perruque ; il fit ce que bien d’autres auraient fait en pareil cas, il l’éteignit avec ses pieds. L’incendie fini, il la remit sur sa tête, cela répandit une odeur très forte. Le Roi entra dans ce moment ; il fut frappé par le parfum, et ignorant ce que c’était, il dit sans aucune malice : Il sent bien mauvais ici, je crois que ça sent la corne brulée. A ce discours on comprend bien qu’on rit. Le Roi et la noble assemblée firent des cris désordonnés ; le pauvre cocu n’eut d’autres ressources que ses jambes, et il s’enfuit bien vite.

Le marquis de Prie avait acquis les seigneuries de Courbépine et de Plasnes, en Normandie. Le château de Courbépine, aujourd’hui détruit,  était de forme carrée précédée d’une cour d’honneur et d’une pièce d’eau. Un inventaire de 1759 nous apprend que les appartements contenaient soixante panneaux décoratifs représentant des animaux et de scènes empruntés aux quatre saisons, une longue galerie ne comptant pas moins de trente six tableaux, onze pièces de tapisserie des Flandres et de nombreux objets d’arts et d’ameublement. La marquise de Prie y avait une coquette chambre à coucher contenant de superbes meubles. Le marquis de Prie, quant à lui, préférant oublier dans les plaisirs de la chasse sa carrière brisée, fit construire au milieu des bois de Planes un charmant pavillon de pierre et de briques, appelé le petit logis

 

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Château « le petit logis » de Plasnes

 

Quand le duc de Bourbon fut exilé à Chantilly, madame de Prie le fut en Normandie : Madame de Prie, qui était dame d’honneur de la Reine et maîtresse de M. le Duc, est exilée dans ses terres en Normandie, à Courbépine, près de Bernai, dans l’Eure.  Elle y vécut plus d’un an de solitude et d’intrigues épistolaires. Inconsolable de son exil, et de voir sa place de dame du palais occupée par la marquise d’Alincourt, mourut de chagrin [6] le 6 octobre 1727, à l’âge de 29 ans (Chronique de la régence et du règne de Louis XV, ou Journal de Barbier)

En 1744, il épouse la fille du marquis de Castéja. Le duc de Luynes en parle ainsi : du Vendredi 5 juin 1744 à Versailles – « J’appris  il y a deux jours un mariage qui se fera incessamment ; c’est celui de M. de Prie avec Melle de Castéja, qui est cousine de Mme de Lalande et qui demeure toujours ici avec elle ; elle est sœur de M. de Castéja qui a été ambassadeur de Suède ; c’est une fille très sensée, fort amie de Mme de Ventadour chez qui elle passe sa vie ; elle parait avoir environ cinquante ans ; elle a 100 000 francs de bien, mais par ses épargnes elle a doublé son fonds. On dit que M. de Prie lui fait des avantages considérables par le contrat de mariage, et cela est aisé à croire. M. de Prie a au moins soixante quinze ans, il est veuf depuis longtemps. Sa première femme a été assez connue ; elle était, comme on l’a su, la maîtresse de M. Le Duc et gouvernait entièrement ; c’est elle qui a fait le mariage de la Reine. M. de Prie jouit d’un revenu considérable ; on assure cependant qu’il a sur cela assez peu de bien libre ; il a toujours été grand manjeur, et était dans l’habitude de donner tous les jours à dîner, hors un seul jour de la semaine, qu’il passait sans manger ; son estomac est venu en si mauvais état qu’on ne croyait pas qu’il pût vivre ; on prétendait même qu’il avait eu une attaque d’apoplexie ; ce qui est certain, c’est que sa tête était fort affaiblie, et qu’il déraisonnait. C’était à l’occasion de M. de Prie que Mme de Ventadour, écrivant à Madame à Fontainebleau, l’année passée, de Glatigny près Glagny, où elle a une petite maison et où elle passe une partie de l’été, lui mandait : Je passe ici ma vie avec des gens qui radotent, et, ce qui vous surprendra, c’est que ce n’est pas moi. L’autre jour, Mme de Visé et M. de Prie étaient au coin du feu chez moi ; j’entendis tout d’un coup M. de Prie qui disait à Mme de Visé : Ne trouvez-vous pas que le feu Roi se porte bien encore pour son âge ? » et pour le 24 novembre 1754, à l’occasion du mariage neveu du marquis de Prie : « M. de Prie avait épousé en secondes noces, Mademoiselle de Castéja qui eut des soins infinis de sa vieillesse et de ses infirmités ; elle lui donne encore des marques de reconnaissance et d’amitié en prenant tous les soins imaginables du jeune homme héritier de son nom ; elle dit que ce jeune homme aura du bien un jour assez considérablement ; il a actuellement 18 000 livres de rente. Dans les circonstances où il se trouve, Madame de Prie a jugé qu’il lui fallait ce qu’on appelle un mariage d’argent ; il épouse la seconde fille de M. de Villette, trésorier de l’extraordinaire des guerres ; elle a quatorze ans et est fort petite et fort délicate… »

 

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Acte de mariage Louis de Prie – Anne de Biaudos

 

En 1751, Louis-Aymar, marquis de Prie, chevalier des ordres du Roi, brigadier de ses armées, lieutenant-général de la province du Languedoc, gouverneur de Bourbon-Lancy, ambassadeur à Turin, meurt le 8 mai, âgé de 81 ans (Gazette de France n° 44). Charles Collé raconte : le marquis de Prie est mort ces jours-ci. Il n’a point voulu entendre parler de sacrements. Quelques personnes de sa famille, des gens sages, dit-on, lui ont fait venir le curé de sa paroisse, comme en ayant l’ordre du Roi. M. de Prie, qui se doutait de quelque supercherie, le reçut avec beaucoup de politesse, et lui demanda de quelle part il venait ; à quoi le pasteur répondit qu’il venait de la part du Roi. Soyez le bienvenu en ce cas là, monsieur le curé, mette z-vous là, asseyez-vous, dès que vous venez de la part du Roi : si vous étiez venu de la vôtre ou de celle de mes parents, je vous aurais fait jeter par les fenêtres. Cela dit, il se tourna du côté de la ruelle, et après quelques instants, le curé se retira et le pénitent mourut (Journal historique ou mémoires critiques et littéraires)

 

 



[1] Quelques descriptions de la marquise : « Madame de Prie avait un caractère démoniaque dans un corps et dans une figure angéliques ; elle était séduisante, et sous ses plus beaux dehors elle cachait un caractère noir et habile à la trahison » (Bibliothèque des mémoires relatifs à l’histoire de France de Mathurin Lescure). « Elle était jeune, belle, avec de grands yeux bleus, de beaux cheveux noirs, une taille élancée, mais le crédit de la marquise tint spécialement aux circonstances financières et au rapport du premier ministre avec les fermiers-généraux et les banquiers (…) la marquise de Prie fut l’active intermédiaire de toutes ces négociations de finance et y déploya une incontestable capacité ». « Femme intrigante d’une beauté remarquable, était la maîtresse du duc de Bourbon, qui fut premier ministre durant la jeunesse de Louis XV, après la mort du régent (1723 à 1726). Vendue à l’Angleterre, menée par Paris-Duverney, elle exerça pendant le ministère du duc de Bourbon une influence funeste. Elle partagea la disgrâce de son amant» (Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Marie Nicolas Bouillet). « Avec autant de graces dans l’esprit que dans la figure, elle cachait sous un voile de naïveté, la fausseté la plus dangereuse sans la moindre idée de la vertu, qui était à son égard un mot vide de sens ; elle était simple dans le vice, violente sous un air de douceur, libertine par tempérament » (Duclos : Mémoires)

[2] M et Mme de Prie dépassent trop ces mémoires pour en parler ici. On se souviendra longtemps et amèrement du court mais terrible règne de la marquise de Prie et de son épouvantable fin. On est témoin du mépris dans lequel vit son mari

[3] D’autres disent qu’il était attaché à l’éducation du jeune roi Louis XV

[4] Si le marquis de Prie s’appelait réellement de Prie, il était d’une naissance à devenir duc et pair. Du temps de François 1er un de ses ancêtres était grand maître des arbalétriers, et le dernier de cette dignité en 1534

[5] On dit qu’une rivalité de galanterie entre la mère et la fille, avait bientôt dégénéré en haine violente.

[6] Certains disent qu’elle est morte du tétanos, mais il est plutôt admis qu’elle se suicida par poison