Stanislas-Catherine de Biaudos

Comte de Castéja




portrait  blason

Stanislas-Catherine de Biaudos, comte de Castéja, et ses armoiries.



Stanislas-Catherine était le dernier fils de René François, marquis de Castéja, chevalier de Saint-Louis, gentilhomme de la Chambre du Roi de Pologne, gouverneur de Marienbourg, et de Jeanne Henriette, née de Jacquier de Rosée, dame d'honneur et de compagnie de la duchesse du Maine (1), qui avait ainsi passé une grande partie de sa vie à la cour de Sceaux en conservant une assez belle pension et le beau et spirituel langage du grand siècle (2).

Il naquit le 30 janvier 1738 au château d'Anthée (canton de Namur) et fut tenu sur les fonds baptismaux par l'ancien roi de Pologne Stanislas Leczinski, alors duc de Lorraine, et sa femme Catherine. Si, au dire de son frère, ce bon prince l'avait doué de son courage héroïque et surtout de sa bonté et de son humanité naturelle et touchante, ces qualités constituèrent son seul héritage : fils cadet d'un gentilhomme de la chambre du roi de Pologne Stanislas Leczinski, René-François, 2ème marquis de Castéja, le chevalier de Castéja n'était point fortuné(3). Cela s'arrangea néanmoins assez vite puisqu'à 13 ans il était désigné héritier universel du comte Marie-Ferdinand de Berlo de Frandouair, d'une puissante famille de la noblesse belge, qui s'était pris d'affection pour le jeune adolescent. C'est de son bienfaiteur, mort en 1763, qu'il reçut le fief de Vaux, seul bien foncier qu'il aura jamais puisqu'il renoncera à sa part de l'héritage paternel peu intéressante et vraisemblablement criblée de dettes.




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Stanislas Catherine

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Château d'Anthée



Il entra dans l'armée à 16 ans, choisissant l'infanterie, moins prestigieuse que la cavalerie dans laquelle servait son frère aîné mais aux grades moins onéreux. Très apprécié de ses supérieurs, il fit une très belle carrière au régiment de La Marck où il fut nommé lieutenant le 29 avril 1747, second lieutenant le 1er janvier 1748, premier lieutenant le 21 mars suivant, capitaine en second le 5 août 1754. Il servit en Allemagne de 1757 à 1762. Le régiment prit part en 1757 à la bataille de Hastembeck, à la conquête de Hanovre, à la bataille de Rosbach où il éprouva de lourdes pertes, en 1758 à la bataille de Crefeld et au combat de Meer, en 1760 à la bataille de Corbach, à l'attaque de Cassel et à celle de Munden, en 161 à l'affaire de Wilhemstadt.

Il fut nommé capitaine en pied le 20 juillet 1761 et major de Royal Suédois le 31 décembre 1766. Il était noté à l'époque : excellent officier à tous égards, destiné à la lieutenance-colonelle. Il passa dans le régiment d'Alsace le 4 mars 1767, le quitta le 29 février 1768 parce qu'il était excellent sujet mais son amour propre était humilié de ne pouvoir remplir sa charge avec distinction. Il fut nommé major du Bourbonnais, le 11 août 1768, où le colonel l'avait demandé depuis le 14 décembre 1767. Il obtint le rang de lieutenant -colonel le 24 mars 1769 et la croix de Saint-Louis le 12 novembre 1770.

Il fut choisi le 28 juillet 1773, pour être colonel-lieutenant de Royal Comtois pour remettre de l'ordre dans ce régiment, en raison de sa réputation de fermeté et de ses talents. Il était alors noté : officier supérieur et excellent dans tous les points; Il paya ce régiment trente mille livres. Mais, n'ayant pas le moyens de se soutenir à la tête de ce corps - il devait mille cinq cents livres d'intérêts sur l'emprunt nécessaire à l'achat de son régiment, et il ne lui restait plus que trois mille livres d'apointements -, il reçut une gratification annuelle de six mille livres. Il fut fait brigadier le 1er mars 1780 et maréchal de camp le 1er janvier 1784. Il quitta son régiment à la suite de cette nomination, fut nommé insprcteur d'infanterie à la 1ère division d'Alsace le 1er avril 1788, et à nouveau en 1789.




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Stanislas Catherine


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Drapeau colonel et drapeau d'ordonnance du Royal Comtois



Pendant ce même hiver [1779], mon colonel et cousin, Monsieur de Castéja, qui logeait comme moi chez sa mère, s'arrangeait un mariage fort beau pour la fortune et le nom, mais voilà tout : ma future cousine était laide, petite et bossue, mais par contre belle de caractère, grande de pensée et droite de sentiments ; c'était une demoiselle Doria(4).

Le 10 janvier 1779 à Versailles, le roi et la famille royale donnent leur agrément pour son mariage avec Marie-Elisabeth-Françoise Desfriches-Doria, riche héritière de nobles picards, petite fille par son père du marquis Doria et par sa mère du comte de Watteville, gouverneur de Ham, marié à une demoiselle de Collemont. C'est le 16 janvier, chez l'époux, rue du Cherche Midi, que le contrat est signé en présence des témoins et de la famille. La mariée apporte à son mari plusieurs seigneuries parmi lesquelles Framerville, Rainecourt, Herleville et Belleuse. La célébration religieuse aura lieu le 3 février suivant à Cayeux-en-Santerre.




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Elisabeth Desfriches-Doria



Une quinzaine de jours après, nous partîmes de Paris. J'accompagnais, comme garçon de noce, mon cousin le colonel comte de Castéja et son ami monsieur le comte de Lanoue, qui était alors colonel en second de notre régiment Royal Comtois. (.) Peu de jours après note arrivée à Paris, furent célébrés, par un bon mariage dans l'église de Cayeux, les engagements pris et signés dans la capitale et quelques jours après la mariée fut installée dans son château de Framerville où il lui fut fait, par les habitants de l'endroit, une fort belle réception avec tout l'abandon et la franchise que l'on connaît aux Picards(5).

Ainsi la résidence ordinaire du couple devient le château de Framerville, demeure agréable et richement meublée, aujourd'hui disparue(6), construite à la fin du XVIIème siècle par l'arrière grand père Collemont.




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Le château de Framerville



Le couple mène une vie traditionnelle de nobles fortunés de province : carrière militaire, gestion des biens du couple, chasse et lecture pour le comte, travaux d'aiguilles pour la comtesse, visites de courtoisie et réceptions.




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Biaudos - Desfriches Doria



En 1779, le chevalier de Castéja prend titre de comte, son frère aîné Louis Anne Alexandre succédant à son père comme marquis de Castéja.

Le 1er mars 1780 cet excellent officier en tous points est promu brigadier d'infanterie et, le 1er janvier 1783, il est promu maréchal des camps. Le 1er avril 1788 il est nommé inspecteur divisionnaire de la 1ère division d'Alsace.




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Brevet de brigadier, signer par le ministre Montbarrey, dont le père était l'amant de sa mère



Il fut élu député suppléant de la noblesse du bailliage de Péronne aux Etats généraux le 25 avril 1789, mais ne fut pas amené à y siéger. Il fut chargé de la vérification des comptes des régiments le 12 août 1790. En novembre 1790, le comité militaire de l'Assemblée souhaita le faire nommer ministre de la Guerre, mais La Fayette lui préféra du Portail. Il fut employé dans la 16e division militaire en avril 1791, refusa en juillet de prêter le nouveau serment, donna sa démission qui fut acceptée le 13 août 1791. En octobre 1791 il émigre, quittant la France pour Coblence où il rejoint l'armée des Princes, laissant son épouse dans une situation délicate.

Bien qu'ayant quitté l'armée des Princes avant sa dissolution, le comte de Castéja ne peut pas revenir en France comme l'enjoignent les décrets de 1791 et 1792. Il est en effet gravement malade et s'est installé au château de Veves à Celles(7), chez Hilarion de Liedekerke Beaufort(8) où il meurt le 10 mai 1792. Avant de mourir il avait fait une déclaration précisant que ses biens français(9) étaient propres à sa femme. Cette déclaration fut suffisante, rendant inutile le divorce de circonstance envisagé, solution utilisée par bien des émigrés désireux de sauver leurs biens.




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Château de Vêves à Celles, où mourut Stanislas Catherine



Marie Elisabeth fut emprisonnée de novembre 1793 à juillet 1794. A sa libération elle trouva les scellés sur le château de Framerville vidé de tout son mobilier qui avait été saisi. Commença alors une longue bataille juridique pour récupérer ce qui n'avait pas encore été vendu et recevoir une compensation financière pour le reste. Elle fut efficace puisque Marie Elisabeth, qui mourut à Framerville le 20 avril 1803, avait réussi à préserver en grande partie ses intérêts et à les transmettre à ses enfants. Au bout de huit ans elle obtint la radiation de Catherine Stanislas de la liste des émigrés.

Le comte et la comtesse de Castéja laissaient deux fils : André, qui fut préfet sous la Restauration et Jean Marie François qui suivit la carrière militaire.




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Stanislas Catherine



Stanislas Catherine est l'auteur de cette lettre célèbre, adressée à Gracchus Babeuf(10) , considérée comme le déclencheur de sa haine envers l'aristocratie.

À Framerville, 7 septembre 1787.

Si manger avec les gens de mon office, Monsieur, ne vous convient pas, et que vous ne trouviez pas à vous nourrir ailleurs dans le village, il ne faut pen¬ser à aucun arrangement entre vous et moi. Non que je dédaignasse de manger avec vous à la même table ; telle bêtise n'a jamais dégradé mon esprit, ni souillé mon coeur, mais ma femme et moi voulons être libres. J'ai souvent mangé avec mon dernier domestique et autre. L'homme le plus honnête est celui que j'estime le plus, sans demander quelle est la naissance ; la peinture que vous faîtes de mes premiers domestiques qui vous valent bien, sous tous les rapports, est le délire de l'orgueil le plus complet que je connaisse. Ils sont gens d'honneur et de bon sens, ils l'ont prouvé depuis longues années à mon service et ailleurs et votre manière de vous expliquer sur leur compte est in¬juste, déplacée et insolente. [... ] Vous êtes jeune, Monsieur, et ce qui vous égare peut être la source d'un bien : changez l'orgueil ridicule qui vous étouffe en amour propre bien dirigé et vous deviendrez aussi louable que vous êtes ac¬tuellement petit et risible. Je vais partir ce soir ; si vous ne comptez pas pren¬dre ou le parti de vivre dans le village sans me gêner ou de manger chez moi comme votre prédécesseur, ne vous donnez pas la peine de revenir.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble serviteur.

CASTÉJA



Sources :

- Thèse d'Odile Dormard
- Archives Biaudos
- Dictionnaire des officiers généraux de l'armée royale 1763-1792 de Gilbert Bodinier
- Dictionnaire historique et biographique des généraux français de Courcelles (tome second)[son article dans lequel il est dit qu'il fut tué aux Tuileries, a été corrigé dans le tome quatrième ainsi « il émigra en 1791, et mourut le 10 mai 1793 à Maestricht)




Histoire de France, depuis la fin du règne de Louis XVI jusqu'à l'année 1825 de Guillaume Lallement, page 10 :

M. le comte de Castéja, officier de fortune, dont l'avancement militaire avait été provoqué par le refus général des gens de la cour, qui avaient dédaigné d'accepter l'emploi de colonel du régiment de Royal Comtois, infanterie, dont tous les officiers avaient été licenciés. M. de Castéja reprit son nom de famille et ne signa plus que Stanislas Biaudos. Il refusa, dans les derniers temps, le ministère de la guerre que l'infortuné Louis XVI lui offrit. Ce fut lui qui conduisit à Hesdin la compagnie de chasseurs de Bourbon, celle de Diesbach suisse, et cinquante cuirassiers commandés par M. d'Artaudt, pris dans les trios régiments composant la garnison d'Arras. Ces détachements avaient pour but de d'apaiser l'insurrection que le jeune M. Davout, depuis maréchal, prince d'Eckmuhl, sous-lieutenant au régiment de Royal-Champagne, cavalerie. M. de Castéja émigra dans les premiers mois de 1792, se présenta à Coblents, où, en sa qualité de retardataire, il fut très mal reçu. Cette preuve d'ingratitude, après les marques de dévouement qu'il avait données à la cause royale, lui causa tant de chagrin qu'il quitta de suite Coblentz, et se rendit à Maëstricht, où il se brûla la cervelle.


Dictionnaire historique et biographique des généraux français par Jean Baptiste Pierre Courcelles, tome second, page 284 :

Comte de Castéja, maréchal des camp, naquit à Anthée, canton de Namur, le 30 janvier 1738. Il fut fait lieutenant en second dans le régiment de Lowendal le 29 avril 1747, lieutenant en premier le 20 mars 1748, capitaine en second, le 8 août 1754, et capitaine en premier dans le régiment de la Marck le 20 juillet 1761. On le fit major du Royal-suédois le 31 décembre 1766, major au régiment d'Alsace le 4 mars 1767 et major du régiment du Borbonnais le 12 avril 1768. Il eut une commission de lieutenant-colonel le 24 mars 1769 et fut créé chevalier de Saint-Louis le 4 décembre 1770. On le nomma colonel du régiment Royal-Comtois le 28 juillet 1773 et on le gratifia d'une pension annuelle de 2000 écus le 3 mars 1775. Il fut promu au grade de brigadier d'infanterie le 1er mars 1780, à celui de maréchal de camp le 1er janvier 1784, et fut tué au château des Tuileries, à la journée du 10 août 1792 [cette dernière assertion est fausse. Il est bien mort en 1792 mais à Maestricht. C'est son cousin Pierre François Alexandre René qui a été massacré aux Tuileries]


L'arrondissement de Péronne par Paul Decagny page 292 :

La seigneurie de Framerville passa ensuite au comte de Warteville et enfin à M. de Biaudos de Castéja, sur qui de belles qualités fixèrent le choixx de la riche héritère d'Esfrigies d'Oria. M. de Castéja était en effet un des militaires les plus distingués de son temps : à l'âge de 24 ans [32 ans en fait] il avait déjà mérité, par ses exploits, la décoration de Saint-Louis. Il avait obtenu le grade de général et commandait la place d'Arras lorsque survinrent les jours de la Terreur qui ne surent ébranler ni son courage ni sa fidélité.






(1) Anne Louise de Bourbon, petite fille du Grand Condé, avait épousé le duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan. Retirée à Sceaux, la duchesse du Maine y tint pendant longtemps une cour brillante, rivale de celle de Versailles, et qui était le rendez-vous des beaux esprits de l'époque parmi lesquels Madame de Castéja.

(2) Mémoires du comte de Liedekerke-Beaufort, cousin de Stanislas Catherine

(3) Notamment parce que son père avait été déshérité par sa mère Bervoët au profit des enfants de son fils cadet Alexandre, comme ayant été avantagés lors de leurs mariage et pour cause de mauvaise conduite et de dépenses excessives au profit des enfants de son fils cadet Alexandre.

(4) Mémoires du comte de Liedekerke-Beaufort, cousin de Stanislas Catherine.

(5) ibid.

(6) Détruit lors de la 1ère guerre mondiale, à l'exception de l'orangerie qui existe toujours

(7) Le château de Vêves, à Celles, monument historique situé aux confins des Ardennes Belges, est un des joyaux de la province de Namur. Il a toujours habité par les Sires de Beaufort, puis les Comtes de Liedekerke Beaufort

(8) Baron de Celles, grand mayeur de Maestricht, il est le fils de sa cousine germaine Marie Robertine de Beaufort

(9) Les biens belges furent perdus

(10) Révolutionnaire dont la doctrine appelée Bavouvisme est précurseur du communisme